Le combat pour des services de garde à l’enfance de qualité, accessibles et abordables se déroule à l’échelle du pays et c’est un mouvement aux visages multiples. Ce blogue « Pourquoi je me bats pour les services de garde à l’enfance » donne la parole à ces nombreuses personnes et présente les raisons qui les poussent à continuer de faire la promotion de réseaux de services de garde universellement accessibles.

Se battre pour gagner sa vie (salaire) : le point de vue d’une éducatrice à la petite enfance
Nancy Santos me parle au téléphone pendant sa pause. Elle travaille au cours de l’été dans une garderie privée achalandée de la région de Peel en Ontario. Elle veut économiser afin de retourner aux études cet automne. À 15 dollars l’heure (un dollar au-dessus du salaire minimum provincial) et sans aucun avantage social, travailler dans son domaine ne l’aidera pas vraiment à payer ses études collégiales en éducation à la petite enfance (EPE) ni son baccalauréat.
Même si travailler auprès de jeunes enfants est son « emploi de rêve », elle admet que ça ne paie pas assez. « Oublions le bon salaire, ce n’est carrément pas un salaire décent. C’est si peu qu’on n’arrive pas à rembourser ses dettes ni économiser pour acheter une maison ou même pour se marier ». Nancy a décidé de retourner à l’Université Ryerson pour faire une maîtrise ès arts en études de la petite enfance, centrée sur la promotion et la défense des services de garde.
Selon des données du Globe and Mail et du SCFP, le salaire moyen dans le secteur de l’éducation à la petite enfance au Canada se situe entre 25 000 dollars et 37 000 dollars par année, et ce même si 90 % des employées ont une formation de niveau postsecondaire. En outre, 98 % des employées dans le secteur sont des femmes et 25 % ont un deuxième emploi pour pallier leur faible revenu.
Rien de cela ne surprend Santos. Elle dit que la majorité de ses collègues de travail sont des femmes âgées de vingt ans à la mi-trentaine. « Les travailleuses en garderie sont surchargées parce qu’elles sont sous-payées et sous-évaluées. De bonnes éducatrices compétentes quittent le secteur parce qu’elles n’ont pas les moyens d’y rester ».
L’importance de l’éducation à la petite enfance
L’importance de l’éducation à la petite enfance est souvent négligée malgré son impact sur les enfants. Une analyse d’une série d’études sur l’éducation à la petite enfance sur une période de plus de soixante ans a révélé que la fréquentation de services de garde éducatifs « entraînait une réduction statistiquement significative du recours aux services d’éducation spécialisée, diminuait le redoublement scolaire et augmentait les taux de diplomation au secondaire ».
Santos aimerait que le public comprenne la valeur des services de garde éducatifs pour les enfants. Elle se heurte souvent à la notion erronée selon laquelle elle est une « gardienne d’enfants ». « Ce n’est pas un emploi de 9 à 5, ça vient du cœur. C’est une passion de vouloir que ces enfants réussissent, d’aider à leur transmettre les habiletés de base dont ils ont besoin pour progresser dans la vie. Notre travail consiste à leur fournir les meilleurs soins possible ».
Réseaux de services de garde universellement accessibles et fossé salarial
Les réseaux de services de garde universellement accessibles ont pour effet, a-t-on démontré, de réduire le fossé salarial pour les éducatrices à la petite enfance. « Les bienfaits sont manifestes dans les provinces qui ont investi dans des réseaux de services de garde à but non lucratif universellement accessibles », explique Morna Ballantyne, directrice générale d’Un enfant Une place. « Lorsque les fonds vont aux garderies plutôt qu’à des subventions, tout le monde y gagne : les éducatrices ont un meilleur salaire et les taux de rétention du personnel sont plus élevés de même que leur niveau de formation ».
Santos a encore hâte d’enseigner, mais son public change. Plus tôt cette année, elle a fait un stage à l’Association des éducatrices et des éducateurs à la petite enfance de l’Ontario (AECEO). L’AECEO est une association professionnelle qui bâtit et soutient une voix collective forte pour les éducatrices à la petite enfance afin qu’elles participent à apporter et à influencer des changements positifs qui seront bénéfiques pour les éducatrices, les enfants, les familles et les collectivités. L’AECEO réclame en premier lieu le respect et la reconnaissance des éducatrices et des éducateurs ainsi que des salaires et des conditions de travail appropriés. C’est à l’AECEO que Santos a compris l’importance de la promotion et de la défense des services de garde et qu’elle a pris conscience de l’impact que peut avoir un réseau universel de services de garde sur les enfants et les familles, mais aussi sur les personnes qui travaillent dans le secteur.
Maintenant, elle cherche à partager ce savoir avec les étudiantes en éducation à la petite enfance avant leur entrée dans la profession. « Les étudiantes s’impliquent dans le mouvement et elles en mobilisent d’autres. C’est une réaction en chaîne », dit-elle. Elle parle aux étudiantes de services de garde universellement accessibles, de garderies réglementées et des défis auxquels fait face la profession. « Je fais mon exposé et, à la fin, une étudiante vient me voir, inspirée et désireuse de mettre la main à la pâte. J’apporte du changement. Ce sont de petits changements, mais j’ai espoir qu’il en viendra de plus importants ».
Quant à ses attentes pour l’avenir, elle espère que ses études lui donneront une nouvelle perspective sur le secteur. Elle veut examiner les raisons pour lesquelles le domaine est si peu valorisé et pourquoi de formidables éducatrices ne sont pas rémunérées à la hauteur de leurs compétences et de leur scolarité comme le sont de nombreux autres travailleurs qualifiés dans d’autres domaines. « J’aimerais participer à ce qu’un jour nous soyons payés 25 dollars l’heure pour le niveau de soins que nous offrons aux enfants. Mais de façon plus réaliste, j’espère mobiliser les gens, continuer à travailler avec des étudiantes et les inciter à s’impliquer et à militer pour changer les choses et en arriver à ce que les éducatrices fassent un travail exceptionnel tout en gagnant bien leur vie.